L’eau est un bien commun, essentiel pour l’ensemble des êtres vivants. Or, le droit fondamental que constitue l’accès à l’eau n’est assuré que partiellement sur le territoire Mahorais. Depuis plusieurs années, les « tours d’eau » en saison fin de saison sèche / début de saison des pluies sont réguliers à raison de deux fois par semaine.

En effet, depuis des années, les recours à des réserves d’eau font partie intégrante du quotidien des Mahorais pour assurer les besoins vitaux (cuisiner, se laver, boire etc.). Certains recueillent l’eau de pluie dans des bidons (en plastique, en cuivre, en tôle) pour les usages domestiques et autres besoins annexes malgré les problèmes sanitaires que cela engendre. Enfin, une partie de la population précaire a recours à l’eau des rivières (eau fortement souillée par des germes infectieux et des polluants chimiques avec des risques de maladies hydriques, gastroentérites ou diarrhées).

En parallèle, Entre 2020 et 2021, la SMAE a enregistré 1700 abonnées supplémentaires. Un nombre pressenti à la hausse en prévision de la livraison de plusieurs centaines de logements sociaux en cours de construction en réponse à l’augmentation significative de la population.

Des efforts d’aménagements hydrauliques et de développement de réseaux ont été entamés par les Eaux de Mayotte mais le déficit de précipitation de cette saison limite la capacité de production d’eau potable. La production actuelle des Unités de production, l’usine de dessalement et les forages ne suffisent pas à répondre aux besoins croissants.

Paradoxalement, ce n’est pas seulement l’absence de pluie qui serait la cause de la pénurie d’eau mais les effets combinés de plusieurs causes multifactorielles et sensibles : manque de compétences des acteurs locaux et manque d’utilisation des outils disponibles par les pouvoirs publics (GEMAPI, ARB, plan d’urgence Eau …), absence d’agence de l’eau, mauvaise gestion des investissements actuels (création des retenues collinaires, usine de dessalement, forages….), les difficultés en alimentation (réseaux existants obsolètes, manque d’entretien, pertes et fuites d’eau potable,…), l’absence d’innovations et d’information sur des solutions alternatives et durables (récupération des eaux pluviales, réutilisation des eaux grises, filières de formation aux métiers de l’hydraulique,..), la perte de biodiversité et l’érosion du territoire.

Les associations environnementales dénoncent la déforestation excessive en particuliers sur des propriétés privées et publiques ainsi que les feux de brousse faisant perdre 150 Ha/an de couvert végétal par an. Cette déforestation réduit les bénéfices éco systémiques issus des forêts, notamment la capacité des sols à retenir l’eau.

Ce n’est pas l’absence de pluie qui serait la cause de la pénurie d’eau, mais bien la gestion déficiente et lacunaire de la ressource et du cycle de l’eau (répartition, distribution, retraitement).

Le CCEEM, assemblée consultative auprès du Département de Mayotte, composée des représentants des organismes de la société civile (vie culturelle; vie éducative, de l’enseignement et la recherche; la protection et l’animation au cadre de vie), s’est auto-saisie de cette question au titre de sa commission environnement, cadre de vie et tourisme. Ainsi le CCEEM préconisent des actions à décliner sur plusieurs échelles et sur la base d’une synergie et d’une responsabilité de tous les acteurs :

  • du territoire, concernant son aménagement, des mesures d’économie et d’amélioration des rendements pour améliorer la gestion du territoire qui impact le stockage et l’approvisionnement ;
  • des communes et des intercommunalités, concernant l’accompagnement et la sensibilisation, les changements d’usages et de conception des projets ;
  • des particuliers & des ménages, concernant la gestion et le recyclage des eaux pluviales.

En substance, le CCEEM rappelle, au titre des directives européennes et du code l’environnement, que :

  • la gestion de l’eau doit évoluer face aux pressions dues au changement climatique, au développement de la demande et à la pression sur la qualité de l’eau avec la concentration de la population dans les zones urbaines, ou à l’aménagement du territoire qui modifie notamment les circuits naturels de l’eau. Cela implique un usage plus sobre et raisonné de la ressource et cela nécessite de changer de vision pour préserver l’eau de manière durable et au bénéfice de tous;
  • le territoire doit intégrer dans sa volonté de développement les limites et contraintes de la disponibilité en eau;
  • la mise en œuvre de manière exemplaire de la séquence « éviter-réduire-compenser » dans les projets d’aménagement et de développement territoriaux est primordiale. Cela suppose d’assurer une meilleure prise en compte de l’environnement dans les processus de décision et d’orienter les différents scénarios d’aménagement vers la recherche systématique de la meilleure option environnementale dans une logique de développement durable.

L’enjeu de cette auto-saisine est de faire émerger les différents leviers de gestion de l’eau, compatibles avec les attentes des divers acteurs concernés. Le CCEEM insiste sur l’économie de la ressource, sur le besoin d’évolution des modèles économiques prenant en compte les aspects économiques et sociaux particuliers à Mayotte et sur une meilleure prise en compte de l’environnement dans les processus de décision et d’orientation des différents scénarios d’aménagement vers une recherche systématique de la meilleure option environnementale dans une logique de développement durable et adapté aux besoins des populations.

« L’eau est essentielle et doit être considérée dès lors comme un bien commun[1]»

[1]Programme et Équipement Prioritaire de Recherche (PEPR) Exploratoire OneWater-Eau Bien Commun CNRS – Mars 2022

 

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